
Un tournant majeur dans la crise congolaise : le gouvernement congolais a franchi une étape inédite en annonçant l’ouverture de poursuites judiciaires contre l’ancien président Joseph Kabila, accusé de soutenir les rebelles du M23 et leur allié, le Rwanda.
Dans un communiqué officiel relayé par Radio Okapi, le ministre de la Justice, Constant Mutamba, a ordonné à l’auditeur général des Forces armées (FARDC) et au procureur général près la Cour de cassation d’entamer des actions en justice contre Kabila, qui a dirigé la République démocratique du Congo pendant près de deux décennies.
Selon le document, les autorités soupçonnent l’ancien chef de l’État de collusion avec les rebelles de l’Alliance Fleuve Congo (AFC) et du Mouvement du 23 Mars (M23), groupes accusés de déstabiliser la région orientale du pays avec le soutien actif de l’armée rwandaise. Le ministre a également ordonné la saisie de tous les biens mobiliers et immobiliers de Kabila, désormais sénateur à vie.
Dans une intensification sans précédent de la pression politique, des mesures restrictives de déplacement ont été imposées à plusieurs hauts cadres du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), parti fondé par Kabila. Le ministère de l’Intérieur a simultanément annoncé la suspension des activités du PPRD sur l’ensemble du territoire national, accusant le parti de « silence complice » face à l’agression étrangère.
« Il ne s’agit pas seulement d’une affaire judiciaire, mais d’une réponse ferme à une trahison présumée contre la nation », a déclaré le ministre de l’Intérieur, Jacquemain Shabani, dans un communiqué distinct.
La polémique a pris une nouvelle dimension avec le retour inattendu de Joseph Kabila à Goma, le 18 avril, au cœur d’une région contrôlée en partie par les forces rebelles. Ce déplacement, perçu par le gouvernement comme une manœuvre suspecte, intervient après une longue période de silence et un exil partiel de l’ancien président.
Dans une lettre adressée à Jeune Afrique, Kabila a justifié son retour par la volonté de « contribuer à la recherche de solutions » à la crise qui frappe l’Est du pays. Des propos que la majorité présidentielle juge peu crédibles, y voyant plutôt une confirmation de ses liens avec la rébellion.
La réaction du gouvernement ne s’est pas fait attendre. Lors d’un point de presse à Lubumbashi, le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, a exprimé des réserves prudentes tout en rappelant que le président Félix Tshisekedi avait, à plusieurs reprises, évoqué les relations présumées de son prédécesseur avec les rebelles.
« Il faut écouter, il faut observer. Mais ce qui est clair, c’est que les faits s’accumulent et suscitent de sérieuses inquiétudes », a-t-il déclaré.
Cette décision judiciaire sans précédent marque une étape cruciale dans l’histoire politique congolaise. Elle intervient dans un contexte de tensions régionales croissantes, d’instabilité militaire et de critiques acerbes contre la gouvernance actuelle. Elle pourrait également redessiner les équilibres politiques à l’approche des échéances électorales.
Le camp Kabila, de son côté, dénonce une chasse aux sorcières et une instrumentalisation de la justice à des fins politiques.
Abiël Bushoki