
Alors que la crise économique s’aggrave en République démocratique du Congo, les habitants de Bukavu et Goma, dans l’Est du pays, font face à une situation pour le moins absurde : leur argent vaut moins quand ils le retirent, mais les prix des biens continuent de grimper. Ce paradoxe du taux de change illustre une faille profonde dans le système financier local, où les plateformes de mobile money imposent des taux désavantageux, loin de ceux du marché réel.
Dans ces deux villes enclavées, où l’accès aux banques traditionnelles reste limité, les populations dépendent fortement des services de mobile money pour effectuer leurs transactions quotidiennes. Mais cette dépendance se retourne aujourd’hui contre elles.
Lorsqu’un utilisateur souhaite retirer des dollars via mobile money, ceux-ci lui sont automatiquement convertis en francs congolais au taux de 2 700 FC pour un dollar. Problème : ce taux est bien en dessous du cours réel du marché, où un dollar peut facilement se négocier à 3 300 FC. Une différence de 600 FC par dollar qui, à grande échelle, représente une perte conséquente pour les ménages.
« C’est comme si on nous punissait de vouloir utiliser notre propre argent », déplore Marie, commerçante à Bukavu. « On reçoit moins à la sortie, mais on paye plus cher quand on achète. »
Comme si cela ne suffisait pas, les frais appliqués lors des retraits – souvent de l’ordre de 5 000 FC – viennent grever encore davantage le maigre pouvoir d’achat des habitants. Résultat : les citoyens doivent constamment jongler entre des taux défavorables, des commissions élevées, et une inflation galopante qui rend les produits de première nécessité inaccessibles.
Les familles les plus vulnérables sont en première ligne. Nombreuses sont celles qui doivent désormais choisir entre payer les frais de scolarité, se nourrir ou se soigner.
Face à cette réalité, les appels à la régulation se multiplient. Économistes et défenseurs des consommateurs plaident pour un encadrement plus strict des taux appliqués par les opérateurs de mobile money. Certains suggèrent également une meilleure intégration des banques locales dans le circuit économique afin de renforcer la transparence et la compétitivité.
« Il est urgent que les autorités agissent pour rétablir l’équilibre », souligne un analyste financier basé à Goma. « Sans cela, c’est tout un pan de la population qui risque de sombrer dans la précarité. »
Ce paradoxe monétaire à Bukavu et Goma met en lumière les limites d’un système financier peu régulé, où les plus fragiles paient le prix fort. En attendant une réponse structurelle, les habitants continuent de composer avec un quotidien où chaque transaction devient un calcul de survie.
Abiël Bushoki