
Des réunions d’envergure des chefs d’état-major des armées des pays membres de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) suivie d’une autre élargie à la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) ont eu lieu successivement au Kenya, vendredi dernier et en Tanzanie ce lundi 24 février.
L’objectif principal est de définir une stratégie commune pour imposer un cessez-le-feu immédiat et stabiliser l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), en proie aux violences du groupe armé M23 et d’autres factions rebelles.
Ces rencontres s’inscrivent dans la continuité du sommet conjoint des chefs d’État de l’EAC et de la SADC du 8 février 2025, qui avait souligné l’urgence d’une réponse coordonnée face à l’escalade du conflit. Un groupe de travail des experts en défense de l’EAC avait précédemment mené deux jours de discussions préparatoires afin d’affiner les modalités d’intervention.
Les discussions entre les hauts responsables militaires ont abouti à six résolutions clés visant à restaurer la stabilité dans l’Est de la RDC :
Un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel entre toutes les parties en conflit.
Une aide humanitaire d’urgence pour soulager les populations affectées.
La réouverture des axes stratégiques pour faciliter l’acheminement de l’aide et les échanges commerciaux.
Un plan de sécurisation de Goma et de ses environs, une ville sous forte menace en raison de l’expansion des combats.
La réouverture immédiate des aéroports de Goma et de Bukavu, fermés par le M23, afin de garantir les opérations humanitaires et économiques.
L’élaboration d’un cadre pour des interventions régionales assurant la paix et la stabilité à long terme.
Ces mesures s’accompagnent de mises en garde contre le M23 et les autres groupes armés, sommés de cesser toute avancée militaire sous peine de représailles de la force conjointe EAC-SADC.
Une force militaire hybride en gestation
Un élément clé de cette stratégie est le déploiement d’une force militaire hybride, réunissant les troupes de l’EAC, de la SADC et bénéficiant du soutien de l’Union africaine (UA). Cette force a pour mission principale de sécuriser les zones sous occupation du M23 et de faciliter la transition vers une paix durable.
Cette approche marque un tournant après le retrait, en 2023, de la force régionale de l’EAC, jugée inefficace par Kinshasa. La nouvelle force hybride devrait bénéficier de moyens militaires renforcés et d’une coopération plus étroite entre les États membres.
Vers un « statut spécial » pour Goma et Bukavu ?
Selon un document confidentiel révélé par Africa Intelligence, les négociations en cours pourraient aboutir à l’octroi d’un « statut spécial » pour les villes de Goma et Bukavu. Cette proposition, dont les modalités restent à définir, vise à restaurer l’autorité de Kinshasa sur ces zones stratégiques et à garantir leur stabilité après le retrait des groupes armés.
Fusion des processus de Nairobi et de Luanda
Cette initiative militaire et diplomatique s’inscrit également dans la convergence des processus de Nairobi et de Luanda :
Le processus de Nairobi, initié en avril 2022 par l’EAC, vise à éradiquer tous les groupes armés locaux et étrangers opérant à l’Est de la RDC. Il s’appuie sur le Programme de désarmement, démobilisation, relèvement communautaire et stabilisation (PDDRCS), qui recensait en 2023 252 groupes armés locaux et 14 groupes armés étrangers actifs dans la région.
Le processus de Luanda, piloté par l’Angola depuis novembre 2022, avait pour objectif de désamorcer les tensions entre la RDC et le Rwanda, souvent accusé de soutenir le M23. Cependant, ce processus a été interrompu en décembre 2024 après l’échec d’un sommet tripartite entre Kinshasa, Kigali et Luanda.
Les chefs militaires de l’EAC et de la SADC ont également insisté sur la nécessité d’une implication internationale accrue. L’Union africaine et l’ONU sont appelées à jouer un rôle central pour contraindre les groupes armés à respecter le cessez-le-feu et favoriser un dialogue politique inclusif.
Dans cette optique, une réunion ministérielle conjointe de l’EAC et de la SADC est prévue le 28 février 2025. Elle visera à définir les mécanismes concrets de surveillance du cessez-le-feu et à établir les prochaines étapes vers une résolution politique durable.
La rédaction