
Dans une décision sans précédent, le gouvernement congolais a annoncé ce mardi 4 mars 2025 la suspension du régime douanier de réimportation des marchandises provenant des zones occupées par le M23. Désormais, toute marchandise en provenance de Goma, Bukavu, Bunagana et Ishasha sera soumise à un droit d’importation. Par ailleurs, Kinshasa interdit également toute exportation vers ces territoires.
Dans une note officielle adressée à la Direction Générale des Douanes et Accises (DGDA) de Beni, qui fait office de chef-lieu provisoire du Nord-Kivu, le gouvernement congolais motive cette décision par la nécessité de préserver la souveraineté économique du pays face à l’occupation d’une partie du territoire par «l’armée rwandaise et ses alliés du M23».
« Je porte à votre connaissance qu’à dater de ce jour, le régime douanier de réimportation en l’état de marchandises émanant des bureaux sis dans les parties des territoires occupés par l’armée rwandaise est suspendu jusqu’à nouvel ordre. Ainsi donc, toute marchandise en provenance de Goma-Ville, de Goma-Aéro, de Bunagana et d’Ishasha est considérée comme une nouvelle importation et doit être traitée telle quelle, dans le strict respect des textes légaux et réglementaires régissant la douane. La présente ne doit souffrir d’aucune faille. », lit-on dans la note.
Cette mesure signifie qu’un commerçant opérant en RDC ne pourra plus réintroduire sans taxe des marchandises provenant de ces zones, même si elles avaient été initialement exportées depuis la RDC. L’objectif est de limiter les flux économiques bénéficiant aux forces d’occupation et de priver le M23 de certaines sources de revenus.
Face à la situation tendue, les autorités ougandaises ont également pris des mesures pour réorienter les circuits commerciaux vers la RDC. Kampala reconnaît désormais que les villes de Goma et Bukavu ne sont plus sous le contrôle effectif du gouvernement congolais et adapte ses procédures douanières en conséquence.
« Suite à la situation critique qui se développe chez notre partenaire commercial voisin, la République Démocratique du Congo (RDC), il est désormais reconnu au niveau international que la ville de Goma (destination finale pour la frontière de Cyanika) et la ville de Bukavu (destination finale pour la frontière de Katuna) ne sont plus sous le contrôle du gouvernement central de la RDC. En conséquence, la douane de la RDC nous a informés que cette perte de contrôle a entraîné des pertes de revenus significatives sur les marchandises destinées à ces villes. Afin d’atténuer cette perte critique de revenus, nous donnons pour directive que toutes les marchandises à destination de la RDC doivent être déclarées pour sortie par d’autres postes-frontières, à l’exclusion des suivants : Katuna, Bunagana, Cyanika, Rivière Ishasha, Busanza et Kyeshero. En conséquence, les systèmes seront configurés pour désactiver temporairement le transit des marchandises vers la RDC via ces points de passage. Cette directive prend effet immédiatement et restera en vigueur jusqu’à l’amélioration de la situation politique ou jusqu’à nouvel ordre. »
Cette directive signifie que les routes commerciales menant aux zones sous contrôle du M23 ne seront plus utilisées par les commerçants transitant par l’Ouganda.
Ces restrictions s’inscrivent dans la stratégie de Kinshasa visant à affaiblir économiquement le M23 et leurs alliés. En compliquant l’approvisionnement des territoires occupés et en augmentant les coûts des marchandises qui y transitent, le gouvernement espère asphyxier économiquement ces zones et limiter leur capacité à poursuivre le conflit.
Cependant, cette décision pourrait aussi avoir des conséquences négatives pour les populations locales, qui risquent de faire face à une flambée des prix des produits de première nécessité. Les commerçants, contraints de payer des taxes plus élevées, pourraient répercuter ces coûts sur les consommateurs, aggravant la situation humanitaire déjà précaire dans ces régions.
Si Kinshasa mise sur ces restrictions pour fragiliser économiquement le M23, cette approche pourrait aussi impacter les relations entre les pays de la région. L’Ouganda, bien qu’en apparence aligné sur la politique douanière congolaise, entretient des liens commerciaux stratégiques avec le Rwanda, accusé par Kinshasa de soutenir le M23.
Il reste à voir comment ces nouvelles mesures influenceront la dynamique du conflit. La situation sur le terrain reste préoccupante, et ces décisions pourraient à la fois accentuer les tensions et redéfinir les rapports de force dans la région.
La rédaction