
Après six ans de silence, Joseph Kabila refait surface sur la scène médiatique congolaise. En l’espace de quelques jours, l’ancien président s’est exprimé à travers une tribune publiée dans The Sunday Times en Afrique du Sud et une interview accordée à la presse namibienne, dont des extraits ont largement circulé sur les réseaux sociaux.
Un message ambigu, mais stratégique
Dans ses récentes déclarations, Joseph Kabila assure vouloir « être très disponible pour servir notre pays et continuer à servir notre peuple. » Une affirmation qui interroge sur ses véritables intentions. Cherche-t-il à redevenir une figure incontournable du paysage politique congolais ou simplement à peser dans les débats nationaux en rappelant son héritage politique ?
Sur la question de l’insécurité persistante à l’Est du pays, Kabila se positionne fermement en faveur du départ de toutes les forces étrangères présentes en RDC, estimant que cela constituerait « un premier pas vers la solution ». Un discours qui semble vouloir séduire une partie de l’opinion congolaise, critique face à la présence des troupes étrangères et aux difficultés du pouvoir actuel à stabiliser la région.
Un retour calculé sur fond de rivalité avec Tshisekedi
Selon Le Point Afrique, ce retour médiatique n’est pas anodin. Il s’inscrit dans une volonté de repositionnement politique, notamment à travers la relance du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), son parti politique. Loin d’être un simple observateur, Kabila semble vouloir redevenir un acteur clé, dans un contexte où les tensions avec l’actuel président Félix Tshisekedi n’ont cessé de croître.
La rupture entre les deux hommes est consommée depuis l’éclatement de la coalition FCC-CACH, qui les avait réunis au début du mandat de Tshisekedi. En 2023, Kabila avait même interdit à ses partisans de se présenter aux élections sous l’étiquette du régime en place, illustrant ainsi une opposition désormais assumée.
Dans sa tribune sud-africaine, il adopte un ton alarmiste, évoquant une possible « implosion imminente » de la RDC si les problèmes fondamentaux du pays ne sont pas traités en profondeur. Une posture qui, pour certains analystes, relève davantage d’un avertissement à l’endroit du régime actuel que d’une simple analyse politique.
Une critique appuyée de la gouvernance Tshisekedi
Outre Kabila, plusieurs médias internationaux, dont *Afrik.com*, pointent du doigt la gestion de Félix Tshisekedi face aux défis sécuritaires. Alors que l’armée congolaise fait face à l’offensive du M23, soutenu par le Rwanda, le gouvernement est accusé de privilégier des purges internes plutôt que de renforcer ses capacités militaires.
L’exécution récente de 55 soldats condamnés pour « lâcheté devant l’ennemi » à Butembo est perçue par certains observateurs comme une stratégie punitive, au détriment d’une véritable refonte de l’armée. Afrik.com va plus loin en affirmant que Kinshasa « semble détourner son attention d’une menace grandissante pour se concentrer sur des problèmes internes qui semblent moins urgents ».
Dans un contexte de tensions croissantes, le gouvernement est également accusé de vouloir contrôler certains acteurs politiques et religieux. L’audition récente d’Emmanuel Ramazani Shadary, secrétaire général du PPRD, ainsi que celle de Monseigneur Donatien N’Shole, secrétaire général de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), en sont des exemples.
Un bras de fer avec l’Église catholique ?
L’interrogatoire de Monseigneur N’Shole a particulièrement retenu l’attention. L’Observateur Paalga de Ouagadougou rappelle que la CENCO, associée à des pasteurs évangéliques, a récemment entrepris une médiation entre Kinshasa et Kigali, prônant un dialogue élargi incluant même le M23. Une initiative immédiatement désavouée par le pouvoir congolais.
Cette situation ravive l’historique bras de fer entre l’Église catholique et les autorités congolaises. Comme le souligne L’Observateur Paalga, « l’Église catholique a toujours été le poil à gratter des dirigeants, tous régimes confondus, depuis le temps de Mobutu. Les prélats n’ayant jamais manqué la moindre occasion de mettre les hommes politiques devant leurs responsabilités. »
Kabila, un retour qui dérange ?
Le retour médiatique de Joseph Kabila intervient à un moment où la RDC traverse une crise politique et sécuritaire majeure. À travers ses déclarations, il tente de se positionner comme une alternative à la gestion actuelle du pays, mettant en avant son bilan en matière de souveraineté et de stabilité.
Toutefois, son retour est perçu différemment selon les camps politiques. Pour ses partisans, il s’agit d’une voix d’expérience rappelant les échecs du régime en place. Pour ses détracteurs, Kabila cherche à manipuler l’opinion en minimisant ses propres responsabilités dans la crise actuelle, lui qui a dirigé le pays pendant 18 ans.
Reste à voir si ce retour est le prélude à une ambition plus grande, notamment en vue des prochaines échéances électorales, ou s’il s’agit simplement d’un rappel de son influence sur la scène politique congolaise. Une chose est certaine : Joseph Kabila n’a pas dit son dernier mot.
Avec la RFI