
Les États-Unis ont annoncé des sanctions financières à l’encontre de James Kabarebe, ancien général et actuel ministre rwandais de l’Intégration régionale, ainsi que Lawrence Kanyuka, porte-parole de l’Alliance Fleuve Congo/M23 (AFC/M23), un mouvement politico-militaire accusé d’être soutenu par Kigali, selon les Nations Unies.
Dans son communiqué, le Trésor américain souligne le rôle prépondérant de James Kabarebe dans le soutien logistique et militaire au M23, facilitant ainsi son avancée en République démocratique du Congo (RDC). Il est aussi pointé du doigt pour son implication dans l’extraction et l’exploitation illégales des ressources minières de l’Est congolais, financements qui serviraient à renforcer le mouvement rebelle. Quant à Lawrence Kanyuka, son rôle en tant que porte-parole du M23 est jugé central dans la légitimation et la propagande des actions du groupe armé.
Les sanctions prises par Washington incluent le gel des avoirs des personnes concernées ainsi que de leurs entités commerciales. Deux sociétés de Kanyuka, basées respectivement à Londres et à Paris, sont également ciblées par ces mesures.
Face à cette décision, Kigali, par la voix de sa porte-parole Yolande Makolo, a dénoncé une mesure « injustifiée » et préjugeant des efforts régionaux en faveur d’une solution politique. « La communauté internationale doit soutenir, et non saper, les dynamiques régionales visant à une paix durable », a-t-elle déclaré.
Un communiqué du gouvernement rwandais condamne également ces sanctions : « La désignation aujourd’hui du ministre d’État James Kabarebe par l’OFAC est injustifiée et infondée. Si des sanctions pouvaient résoudre le conflit dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), nous aurions eu la paix dans la région depuis des décennies. Depuis trois ans, le conflit le long de la frontière ouest du Rwanda implique des forces hostiles qui n’ont pas été sanctionnées. Celles-ci incluent les forces armées congolaises (FARDC), combattant aux côtés des troupes de la SAMIDRC, des troupes burundaises, de la milice génocidaire des FDLR et de mercenaires européens (dont 300 ont récemment obtenu un passage sécurisé par le Rwanda vers la Roumanie). L’attitude indulgente et l’inaction dissuasive de la communauté internationale face à l’insécurité et au conflit violent initié par le gouvernement congolais ont contribué à la prolongation et à l’intensification des combats dans l’est de la RDC », fait savoir le communiqué.
Et d’ajouter : « Le seul objectif du Rwanda est d’assurer une frontière sécurisée et d’en finir de manière irréversible avec la politique d’extrémisme ethnique armé dans notre région. Il s’agit d’une question de sécurité nationale, et c’est la seule motivation de notre action. Les Rwandais ont le droit de vivre en paix et sans la menace perpétuelle d’une insécurité provenant de la RDC. Les mesures punitives, y compris les sanctions, ne contribuent en rien à la sécurité, à la paix et à la stabilité à long terme pour tous les pays de la région des Grands Lacs. De telles mesures ne peuvent être perçues que comme une ingérence extérieure injustifiée dans le processus dirigé par l’Afrique, risquant de retarder la résolution du conflit. La communauté internationale devrait pleinement soutenir et respecter le processus de médiation dirigé par l’Afrique, qui a récemment été renforcé par le sommet conjoint EAC-SADC et le sommet de l’Union africaine. C’est la seule voie crédible vers une solution négociée, et le Rwanda y est pleinement engagé », fin du communiqué.
De son côté, Kinshasa salue cette initiative américaine qu’elle considère comme une reconnaissance officielle de l’implication du Rwanda dans l’instabilité persistante de l’Est du Congo. La présidence congolaise appelle cependant l’Union européenne à emboîter le pas aux États-Unis en adoptant à son tour des sanctions contre les figures impliquées dans le soutien au M23. « Si ces sanctions étaient appliquées plus tôt et de manière plus stricte, la région aurait peut-être connu la paix depuis longtemps », a déclaré un conseiller proche du président Tshisekedi.
Les tensions entre la RDC et le Rwanda restent à leur paroxysme, alors que le conflit continue de provoquer des milliers de morts et de déplacements massifs de populations. Washington, tout en adoptant ces sanctions, exhorte les parties concernées à un retour à la table des négociations et au respect de l’intégrité territoriale de la RDC afin d’éviter une escalade régionale.
Sur le terrain , l’AFC-M23 poursuit son avancée dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Récemment, les villes stratégiques de Goma et Bukavu sont passées sous leur contrôle ainsi que d’autres agglomérations.
Cette mesure américaine marquera-t-elle un tournant décisif dans la gestion du conflit ou ne sera-t-elle qu’un élément supplémentaire dans le long feuilleton de l’instabilité de la région ? Seul l’avenir le dira.
La rédaction