La Commission électorale nationale indépendante (INEC) a proclamé ce vendredi soir Samia Suluhu Hassan présidente élue de la République Unie de Tanzanie, à l’issue d’un scrutin marqué par une participation record mais aussi par de vives contestations dans plusieurs régions du pays.
Selon les résultats officiels lus en direct sur la télévision nationale, la candidate du Chama Cha Mapinduzi (CCM) a obtenu 31 913 866 voix, soit plus de 97 % des suffrages exprimés sur un total de 32 678 844 votes. « Je proclame Samia Suluhu Hassan présidente élue de la République Unie de Tanzanie », a déclaré Jacobs Mwambegele, président de l’INEC, au siège de l’institution à Dodoma.
Cette victoire permet à Mme Suluhu Hassan, première femme à diriger le pays depuis son indépendance, de décrocher un second mandat de cinq ans.
Malgré la large avance affichée, l’opposition rejette catégoriquement les résultats. Le principal parti contestataire, CHADEMA, dont le candidat Tundu Lissu a été écarté du scrutin en août, dénonce une élection « verrouillée, truquée et sans alternative réelle ». Le parti ACT-Wazalendo évoque quant à lui « une tragédie démocratique », rappelant que plusieurs de ses cadres ont été arrêtés durant la campagne.
Depuis le 29 octobre, des manifestations massives ont éclaté à Dar es Salaam, Arusha, Mwanza et Zanzibar, parfois réprimées dans le sang.
Selon plusieurs sources locales, au moins dix personnes ont été tuées et plusieurs dizaines blessées. Des témoins évoquent une présence militaire importante dans les rues et une coupure partielle d’internet imposée le soir du vote.
D’après les données officielles, la Tanzanie a enregistré un taux de participation de près de 87 %, mais plusieurs observateurs doutent de la crédibilité des chiffres.
L’INEC, accusée de proximité avec le parti au pouvoir, avait déjà été critiquée pour avoir invalidé les candidatures de plusieurs figures de l’opposition sous prétexte de « non-conformité administrative ».
Des organisations de défense des droits humains ont appelé à une enquête indépendante sur les violences postélectorales, dénonçant « une dérive autoritaire alarmante ».
De son côté, la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) a exhorté les autorités tanzaniennes à « garantir le respect des droits fondamentaux » et à « favoriser un dialogue inclusif ».
Pour ses partisans, cette victoire confirme la popularité de Samia Suluhu Hassan, saluée pour sa diplomatie apaisée et ses efforts de modernisation économique. Sous son précédent mandat, la Tanzanie a connu une croissance moyenne de 5 %, portée par les investissements publics et le développement des infrastructures.
Cependant, plusieurs analystes estiment que cette reconduction pourrait accentuer la concentration du pouvoir entre les mains du CCM, au détriment du pluralisme politique. Certains craignent que la Tanzanie ne devienne un État à parti unique de fait, où la compétition électorale serait réduite à une formalité.
Samia Suluhu Hassan devra désormais composer avec une population divisée et un paysage politique fragilisé. Son gouvernement est attendu sur les dossiers sensibles :
la réouverture de l’espace politique pour l’opposition,
la réforme de la loi électorale contestée de 2024,
la lutte contre le chômage des jeunes,
et la restauration de la confiance internationale mise à mal par les violences postélectorales.
Première femme musulmane à la tête d’un pays d’Afrique de l’Est, Samia Suluhu Hassan s’inscrit désormais dans la lignée des dirigeants durables du continent. Mais son second mandat démarre sur un équilibre fragile entre stabilité institutionnelle et légitimité démocratique.
Munguiko Masudi Olivier
