Dans une démarche aussi symbolique que controversée, les autorités ougandaises ont officiellement rouvert ce jeudi matin le poste frontalier de Bunagana, situé dans le groupement de Jomba, en territoire de Rutshuru, à l’Est de la République démocratique du Congo (RDC).
Une délégation gouvernementale venue de Kampala s’est rendue sur place pour procéder à cette réouverture. Plusieurs sources locales, contactées par nos soins, confirment cette opération, tandis que d’autres signalent que le poste frontalier d’Ishasha, dans le groupement de Binza, est également redevenu fonctionnel depuis quelques semaines.
Officiellement, cette décision vise à relancer les échanges commerciaux transfrontaliers entre l’Ouganda et l’Est de la RDC. Cependant, la mesure intervient alors que la cité stratégique de Bunagana reste sous le contrôle du mouvement rebelle AFC/M23 depuis plus de trois ans, soulevant de vives interrogations.
Car en réalité, cette ouverture pourrait représenter un levier économique et logistique pour le M23. En facilitant le passage des biens et des personnes dans une zone tenue par la rébellion, Kampala apparaît, de facto, comme un partenaire économique indirect du mouvement, affaiblissant davantage la souveraineté de Kinshasa sur cette partie de son territoire.
Depuis la prise de Bunagana par le M23 en juin 2022, le poste frontalier fonctionnait de manière clandestine. La réouverture officielle, bien que saluée dans certains milieux pour son potentiel de soulagement à une population locale asphyxiée par l’isolement, officialise une réalité de terrain qui échappe totalement au contrôle de l’État congolais.
Des observateurs notent aussi que l’Ouganda cherche à rattraper un important manque à gagner commercial, alors que les postes frontaliers rwandais sont restés opérationnels, profitant aux réseaux logistiques de la rébellion.
La réaction du M23 ne s’est pas fait attendre. Bertrand Bisimwa, président politique de l’AFC/M23, a salué cette décision, allant jusqu’à évoquer la zone comme le « Congo-Oriental », une appellation inédite et lourde de sens qui laisse craindre un projet de partition implicite du territoire national.
Parallèlement à cette ouverture frontalière, des sources militaires rapportent que le nombre de soldats ougandais présents sur le sol congolais aurait doublé, passant de 3 000 à 6 000 hommes ces derniers mois pour la traque des ADF.
Abiël Bushoki
